Le parquet de Paris classe sans suite la plainte sur les sondages de l'Elysée
http://www.lemonde.fr/politique/article/2010/11/02/le-parquet-de-paris-classe-sans-suite-la-plainte-sur-les-sondages-de-l-elysee_1434567_823448.html
Le parquet de Paris a classé sans suite une plainte déposée par une association anticorruption qui visait une convention passée en 2007 sans appel d'offres entre l'Elysée et le cabinet de Patrick Buisson pour la fourniture de sondages.
L'association Anticor avait porté plainte le 11 février 2010 à Paris pour "délit de favoritisme", un délit passible de deux ans d'emprisonnement et 30 000 euros d'amende.
Cette plainte contre X visait Publifact, le cabinet de l'ancien journaliste Patrick Buisson, qui a passé une convention le 1er juin 2007 avec la présidence de la République pour la fourniture d'études d'opinion, pour un coût total avoisinant 1,5 million d'euros sous la forme de "près de 130 factures".
IRRESPONSABILITÉ PÉNALE
Le parquet de Paris a finalement classé sans suite cette plainte fin octobre au motif que l'irresponsabilité pénale dont jouit le chef de l'Etat "doit s'étendre aux actes effectués au nom de la présidence de la République par ses collaborateurs", selon l'avis de classement, consulté par l'Agence France-Presse, mardi 2 novembre.
Selon le parquet, la signataire à l'Elysée de cette convention, l'ancienne directrice de cabinet de M. Sarkozy, Emmanuelle Mignon, "n'a juridiquement aucun pouvoir en propre, [elle] n'a pas de pouvoir personnel, même en cas de délégation de signature".
COUR DES COMPTES
C'est la Cour des comptes qui avait mis au jour en juillet 2009 cette convention, passée, selon elle, sans qu'"aucune des possibilités offertes par le Code des marchés publics pour respecter les règles de la mise en concurrence (...) n'ait été appliquée".
Dans son rapport de contrôle des comptes et de la gestion des services de l'Elysée en 2008, la Cour épinglait par ailleurs une série de 15 études d'opinion publiées dans la presse alors qu'elles avaient été facturées également à l'Elysée par le cabinet de conseil de M. Buisson.
Un président coupable de tout...mais responsable de rien !
Je viens de lire un article incroyable sur “lemonde.fr“ http://www.lemonde.fr/politique/art... , concernant la vaste fumisterie des sondages. La plainte déposée contre X pour “délit de favoritisme” se trouve classée sans suite, au regard de “l’irresponsabilité pénale dont jouit le président de la République”, qui selon l’avis de classement “doit s’étendre aux actes effectués au nom de la présidence de la République par ses collaborateurs”.
Bon. Je ne suis pas spécialiste en droit, et j’aimerais bien avoir l’avis de maître Eolas sur le sujet, mais tout me porte à croire que cet avis est raisonnable, compte tenu du fait qu’il doit être légal. En effet, à l’occasion d’une précédente modification constitutionnelle, le statut pénal du président de la République a bel et bien été modifié, de manière à garantir sa position. Mais la question de la légalité est-elle la seule que l’on doive se poser ?
A cette occasion, il est donc stipulé d’une part que le président de la république jouit d’une “irresponsabilité pénale”, mais surtout que ceux de ses collaborateurs qui agissent en son nom doivent également en bénéficier. Je n’imagine pas qu’un tel jugement puisse être considéré comme valable dans la réalité, mais cela indique quand même dans quel état se trouve notre démocratie.
Même lorsque l’on regarde les textes, on s’aperçoit bien vite qu’en réalité le président est intouchable, que ce soit pénalement ou même politiquement. La procédure de destitution http://www.vie-publique.fr/decouver... du président ne peut être engagée qu’à travers une marche à suivre pratiquement impossible à réaliser, particulièrement dans le cadre de ce “régime présidentiel” fondé sur le quinquennat, et avec un parlement soumis à la volonté de ce même président. J’en veux pour preuve que l’unique raison justifiant la saisine de la Haute Cour, à savoir la notion de “manquement à ses devoirs manifestement incompatible avec l’exercice de son mandat” est, selon le point de vue où on se place, caractérisé à plus d’une reprise si on se réfère au texte de la constitution dont il est censé être le garant.
De plus, on comprend mal comment le président peut être destitué pour des actes dont il ne serait pas responsable… mais peut-être tout cela est-il précisé dans une loi organique dont on ne sait qui peut la consulter, ni à combien de ramifications elle conduit, et ni même si elle est actuellement rédigée…
Ainsi donc, et à travers les failles de la Constitution http://calebirri.unblog.fr/2010/04/... , le flou juridique entourant le statut du président s’étend désormais jusqu’à ses collaborateurs. On devrait pouvoir s’étonner d’une telle loi dans une démocratie, ou bien se poser des questions quant à la compétence de ceux qui l’ont votée, ou encore réfléchir à l’incohérence des motifs conduisant au classement de cette affaire… et pourtant c’est à peine si cette information a dépassé le statut de « dépêche AFP ».
Comment se fait-il que personne n’exige une logique, ou au moins une définition de ce que signifie la « responsabilité » ? si le président est responsable de garantir la constitution, mais jugé irresponsable au cas où il ne le fait pas, et que sa responsabilité (donc son irresponsabilité) rejaillit sur ses collaborateurs eux-mêmes responsables de l’irresponsabilité des lois qu’ils font voter, alors il y a quelque chose qui ne tourne pas rond…
Le problème n’est donc même plus de savoir s’ils sont coupables (l’Histoire les jugera pour nous), mais seulement de savoir s’ils sont responsables… ou pas. Dans le premier cas ils sont vraiment très forts, et dans le second ils le sont encore plus : coupable sans être responsable, c’est une magnifique double-pensée, et surtout un formidable concept !
Caleb Irri
http://calebirri.unblog.fr
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