Editorial par Michel Guilloux
Dos usés, vies en miettes, salaires au lance-pierre… Comme si cela ne suffisait pas, selon la formule terrible du syndicaliste qui témoigne dans nos colonnes, voilà des salariés qui « ne sont plus que des produits parmi les produits ». Embaucher à 2 heures du matin ou finir à 23 heures. Ne plus voir le jour, dans tous les sens du terme, et si l’on craque, tant pis. Il y aura des encore plus précaires que soi pour prendre la place, temporaire. Ainsi va la vie dans le secteur de la grande distribution, grand pourvoyeur des damnés de la terre de notre époque, qui conjugue travail de nuit et pénibilité jusqu’à plus soif. On pourra relever ici un lien entre le patronat de Carrefour, dans ce cas, et le pouvoir sarkozyste. Pour ces gens-là, le travail n’a de valeur que pour autant qu’il nourrisse la machine à dividendes. Les hommes, et ici singulièrement les femmes, ne sont que « variables d’ajustement », « coûts », à presser comme des citrons et à jeter après usage.
Avec la réorganisation en cours se dessine un concentré de leur modèle de société. En difficulté Carrefour, toujours numéro 2 mondial et leader européen du secteur ? Ses employés, sûrement. Eux qui peinent à boucler leurs fins de mois, encore plus lorsque, par centaines, ils sont payés sous le smic ! Tout est bon pour le pognon. Mais, dans ce cas, lorsqu’ils saisissent les prud’hommes, la justice a su se rappeler au bon souvenir du groupe et le condamner. À l’autre bout de la chaîne alimentaire, leur PDG, lui, se voit gratifier de revenus avoisinant les 7 millions d’euros par an, moitié en salaires et avantages, moitié en placements boursiers. Il est, dit-on dans la presse spécialisée, l’un des mieux payés du CAC 40. Tel est le prix à payer pour assurer la rentabilité maximale… pour les actionnaires. Au premier rang de ces derniers figure le fonds d’investissement Colony Capital, allié à Bernard Arnault, le PDG du groupe de luxe LVMH.
Patrimoine immobilier, vente avec bénéfice des filiales à l’étranger, diversification des formats de magasins pour en accroître la rentabilité au mètre carré, tout fait ventre pour rentabiliser la mise. Que les hommes et les femmes qui font ce groupe finissent par se confondre avec des denrées périssables n’est guère que dans l’ordre des choses pour qui ne compte que le rendement financier le plus rapide. « La CGT de Carrefour veut perturber Noël », titrait le Parisien lorsque ces salariés se sont mis en grève contre la nouvelle régression en cours. Dans ces colonnes-ci, on salue bien bas ceux qui ont le courage de relever la tête.
Ainsi va la vie dans le secteur de la grande distribution, grand pourvoyeur des damnés de la terre de notre époque.
Par Michel Guilloux
http://www.humanite.fr/20_12_2010-leçons-de-choses-460608
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