Nous avons appris hier que Bernard Arnault, patron de LVMH et proche de Nicolas Sarkozy, était digne de figurer dans le livre des records pour 2010. On savait déjà qu’il caracolait en tête au côté de Liliane Bettencourt dans le club des grandes fortunes de France. L’homme qui pèse plus de douze milliards d’euros vient de s’accorder la bagatelle de 800 000 stock-options du groupe qu’il préside. Comment aurait-il pu résister à la tentation ? Il les a acquises pour une « misère » ! 42 euros pièce alors que, le même jour, les actions LVMH étaient cotées à 125 euros l’unité.
À peu près au même moment, l’Insee rajustait ses estimations au seuil de l’année nouvelle. Force était de constater que le gouvernement avait jusqu’alors embelli la conjoncture, donné quelques couleurs artificielles pour rehausser l’atonie ambiante. Venant quelques jours après les chiffres du chômage si discrètement susurrés et présentés avec tact et modestie au public par les ministres du cabinet Fillon et répercutés avec le même esprit de mesure dans une grande partie de la presse, cet ensemble de statistiques dessinent le portrait d’un pays malmené, d’une société désemparée, animée par une bonne dose de colère mais habitée aussi par le doute sur sa capacité à forcer les portes du changement que l’idéologie libérale tente de verrouiller. Les pires injustices, qui soulèvent un sentiment de révolte, trouvent toujours des explications au nom d’une « real politik » tendant à tout justifier par une mondialisation conçue non pas comme une mise en commun du développement de l’humanité et du soin à apporter à la planète mais comme un marché mondial, une jungle planétaire. Certes, tout le monde ne va pas jusqu’au raisonnement du chroniqueur du Figaro qui, hier matin, soupirait gravement : « À vrai dire personne n’est capable d’affirmer ce qu’est un salaire excessif. Ni de dire si un patron du CAC 40 doit être payé 500 000 ou 2 millions d’euros. » Chez ces gens, Monsieur, on ne compte pas, sauf pour refuser toute augmentation du smic à des millions de travailleurs qui gagnent moins de mille euros !
Cette évocation du temps présent nous ramène à un événement qui s’est déroulé il y a tout juste quatre-vingt-dix ans à Tours, quand les délégués du Parti socialiste créaient le Parti communiste. Ils le faisaient parce que le mépris des hommes et le goût du profit avaient conduit l’Europe dans la crise et dans la guerre. Bien des choses ont changé, mais l’esprit de classe des possédants colle décidemment à la peau.
Jean-Paul Piérot
http://www.humanite.fr/28_12_2010-douce-crise-doux-système-de-mes-profits-460992
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