Comme les oies du Capitole, certaines entreprises alertent sur un climat social tendu.
L ’histoire de l’art de botter en touche, ou de prendre les enfants du bon dieu pour des canards sauvages devrait bien retenir cette réponse de François Baroin à une question du Journal du dimanche touchant à l’éventualité d’une nouvelle tranche d’impôt pour les plus riches : « Notre philosophie, c’est de ne pas accroître la charge fiscale qui pèse sur les revenus du travail. » Les revenus du travail ! François Baroin qui se paye ainsi la tête des Français voulait peut-être parler en réalité des revenus de ceux qui vivent du travail des autres. Quelques mots auront malencontreusement sauté. Car qui fera jamais croire que les salaires insensés que se versent certains patrons, que les fortunes qui s’établissent à la Bourse avec des dividendes en progression de 15 % au minimum chaque année, que les coups spéculatifs à grande échelle sur les places financières du monde sont des revenus du travail ?
Mais les propos du ministre du Budget ne font pas rire. Ils sont indécents, scandaleux quand, cette année encore, le smic n’augmentera pas, si ce n’est du minimum légal chichement concédé et courant derrière le coût de la vie. 17 euros de plus par mois pour des millions de salariés ! Et encore ne s’agit-il que de ceux qui touchent un smic complet, mais le temps partiel et la précarité sont le lot, on devrait dire le fardeau, des plus jeunes, des femmes seules. Quelle humiliation quand on a vingt ans, ou une trentaine d’années et deux bambins à la maison, quand il faut prendre le chemin des Restos du cœur, du Secours populaire ou du Secours catholique, peu importe. De l’humiliation, mais aussi, il faut l’espérer, l’attendre, de la rage, de la révolte. 17 euros par mois. Comment ne pas penser, une nouvelle fois, une fois encore, au chèque de trente millions d’euros signé par le Trésor public pour Mme Bettencourt au titre du bouclier fiscal ? Des revenus de son travail ? Et ce n’est qu’un exemple, emblématique certes, mais qui ne rend pas compte de l’ampleur et des ravages d’une politique des riches pour les riches. En France, aujourd’hui, près de huit millions de personnes disposent de moins de 949 euros par mois, près de quatre millions, de moins de 773 euros.
La France devient un pays de bas salaires, de faible qualification et de précarité. On peut faire de beaux discours avec ça sur la compétitivité de notre économie dans le monde. Mais la réalité, c’est que la France n’a rien à gagner à faire la course à reculons. La compétitivité de la France, s’il faut parler en ces termes, elle est dans la recherche, dans des formations de haut niveau, dans des productions hautement qualifiées. Pour cela, il faut une autre politique du crédit, un autre rôle des banques que celui de favoriser la croissance financière, et il faut une politique générale d’augmentation du smic et des salaires, et d’abord des plus bas. C’est à la fois le moyen de relancer la croissance et de tirer vers la création d’emplois de qualité les masses financières qui s’entrechoquent jusqu’à la prochaine crise. C’est aussi, pour l’Europe, jouer un rôle dynamique pour aller vers une harmonisation sociale par le haut. La sortie n’est pas dans les plans d’austérité à répétition, mais dans une juste rémunération du travail. Dut-on pour cela faire baisser les revenus des prédateurs du capital. La bataille des retraites a montré quelle pouvait être la combativité des salariés. Aujourd’hui, comme les oies du Capitole, certaines entreprises alertent sur un climat social tendu. Tant mieux, car la bataille continue.
Maurice Ulrich
http://www.humanite.fr/13_12_2010-des-revenus-du-travail%E2%80%89-459944
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